Paula Marso - Chercheuse et traductrice
En dialogue avec la série Cabanes de Archibald Apori
La petite cabane rustique chez Rousseau n’est pas le symbole d’un recommencement : elle est plutôt la critique même de l’histoire, un outil rhétorique dans le Discours sur les sciences et les arts pour attaquer l’évolution de l’architecture et le progrès des institutions.
Tant que les hommes « se contentèrent de leurs cabanes rustiques », ils vécurent « libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par nature. À l’instant où ils découvrirent qu’ils pouvaient accumuler les possessions et les richesses, l’esclavage et la misère ont vu le jour ». Le paysage de l’agriculture est désormais « mouillé par la sueur du travail malheureux » et les « murs des villes ne se forment que du débris des maisons des champs ». Cependant l’état de nature de jadis est menacé sur deux flancs : d’un côté par la sauvagerie et d’autre part par le progrès de la civilisation. L’époque des cabanes exprime donc une césure, le désir d’une stabilité qui se traduit par l’auto-suffisance, état d’équilibre où tout est soumis à une utilité économique idéalisée.
La cabane désigne le parfait usage de la distance protectrice de son environnement, la possibilité d’un isolement parfait, une distance à la fois bienfaisante et menaçante. La « petite cabane » n’est pas seulement le symbole de la simplicité et la possibilité d’un recommencement en dehors de la société, elle est la représentation picturale et iconographique par excellence du détachement même de celle ci.